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Méthode de diagnostic du gaspillage alimentaire testée par 8 collèges et lycées pilotes de Provence-Alpes-Côte d’Azur

GERES

2 cours Foch
13400 Aubagne
Alexia Hebraud
Contact
Illustration de l’opération :

Ligne de tri des retours d'assiette -Lycée Calmette Nice

(Crédits de l'image : Compost'n Co - Virginie Favier)

contexte

Les récentes dispositions règlementaires en matière de prévention des déchets, de tri et valorisation des biodéchets, et de lutte contre le gaspillage alimentaire en restauration collective, renforcent les obligations des établissements d’enseignement du secondaire concernant les déchets.

Grâce à des enquêtes auprès des collèges des Bouches du Rhône et des lycées de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, un réel besoin d’accompagnement des établissements a été identifié sur ces nouvelles dispositions réglementaires, et sur la mise en place de solutions.

Le Geres ayant déjà travaillé en 2006, avec 12 collèges pilotes du département des Bouches du Rhône, pour la production d’un guide méthodologique de gestion éco-responsable des déchets, il est apparu opportun d’en actualiser le contenu et d’en élargir le champ d’application aux lycées de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

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C’est pourquoi le Geres a proposé le projet du « Guide méthodologique de prévention et gestion des déchets et lutte contre le gaspillage alimentaire dans les collèges et lycées de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ».

Ce guide, destiné à l’ensemble des établissements d’enseignement du secondaire de la région, apporte une méthode et des outils pour créer un projet d’établissement autour de la prévention et la gestion des déchets, et de la lutte contre gaspillage alimentaire.  (cf. fiche Optigède « Geres- Guide méthodologique : Prévention et gestion des déchets, et lutte contre le gaspillage alimentaire dans les collèges et lycées, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur »)

Les éléments de l’ouvrage sont issus des retours d’expérience de 2 collèges pilotes et 6 lycées pilotes, accompagnés par le Geres, en partenariat avec Gesper, et avec le concours de structures d’éducation à l’environnement pour la réalisation d’actions pédagogiques sur le gaspillage alimentaire. L’idée était que les retours d’expérience de cet accompagnement alimentent directement le guide pour l’adapter au mieux aux situations réelles des établissements.

Par ailleurs, un parcours pédagogique a été conçu et des actions de communication incitative ont été testées (cf. fiche Optigède « Geres - Parcours pédagogique et Communication incitative pour lutter contre le gaspillage alimentaire dans 8 établissements pilotes de Provence-Alpes-Côte d’Azur »).

Parmi les actions menées avec les établissements pilotes (2 collèges et 6 lycées), une méthode de diagnostic du gaspillage alimentaire a été conçue et testée avec les établissements pilotes à la fois sur les aspects quantitatifs mais aussi qualitatifs. La mise en œuvre de ce protocole et les résultats obtenus sur la production de déchets alimentaires ont permis d’engager la réflexion autour des actions de lutte contre le gaspillage alimentaire à développer.

objectifs et résultats

Objectifs généraux :

La mise en œuvre de cette méthode de diagnostic du gaspillage alimentaire dans le cadre de l’accompagnement des établissements pilotes avait plusieurs objectifs :

  • Tester l’application de cette méthode avec les établissements pilotes, et analyser les possibilités d’une utilisation en autonomie
  • Approfondir les connaissances sur les biodéchets alimentaires dans les établissements du secondaire : sur la production et le potentiel de réduction.
  • Analyser les pratiques actuelles des restaurants scolaires.
  • Identifier les actions existantes de lutte contre le gaspillage alimentaire.
  • Engager une réflexion sur les actions de lutte contre le gaspillage alimentaire à développer et le tri des déchets alimentaires avec les personnels de restauration.
  • Impliquer et sensibiliser les élèves.

Initialement, le projet prévoyait 2 campagnes de pesées : une « amont », qui permettait un premier diagnostic du gaspillage alimentaire dans l’établissement, puis une « aval », après la mise en place d’actions de lutte contre le gaspillage dans le restaurant et la réalisation d’un parcours pédagogique de sensibilisation auprès des élèves. Cependant, les événements liés à la crise sanitaire n’ont pas permis de réaliser les deuxièmes campagnes de pesées (ni la mise en place de certaines actions).

Objectifs quantitatifs :

Les objectifs quantitatifs fixés initialement dans le projet étaient les suivants :

  • Réaliser des pesées de gaspillage alimentaire sur 1 semaine dans 2 collèges et 6 lycées de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
  • Conduire une pesée initiale, et une pesée finale après avoir mis en place des actions de réduction du gaspillage alimentaire dans les 8 établissements pilotes.
  • Quantifier le gaspillage alimentaire moyen par convive.
  • Estimer le coût financier engendré par le gaspillage alimentaire.
  • Identifier, en proportion, les différents « postes » de gaspillage : par composante du menu (entrées, plats principaux, desserts, pain etc…), en production (cuisine), en salle, en fin de service en cuisine.
  • Conduire un atelier de réflexion avec les personnels de restauration afin de co-construire les actions de réduction du gaspillage en cuisine.
Résultats quantitatifs :

Chiffres concernant la participation

La 1ere campagne de diagnostic du gaspillage alimentaire a été conduite dans les 8 établissements pilotes :

  • 2 collèges des Bouches du Rhône
  • 6 lycées de la région, un par département

A chaque atelier, ce sont en moyenne 4-5 personnes qui ont participé (équipe cuisine, gestionnaire, surveillant, enseignant).

Dans les 2 collèges, les principaux résultats sont les suivants :

Moyenne du gaspillage alimentaire par repas : 170 grammes / repas (convive)

Moyenne du coût du gaspillage par repas : 0,48 euros / repas

Moyenne du coût du gaspillage extrapolé à l’année : 28 808 euros / an (130 repas)

Composante la plus gaspillée : les féculents pour 1 collège (19 % du gaspillage total), les légumes pour l’autre collège (41% du gaspillage total)

On note que pour les deux collèges, la moyenne du gaspillage par repas est supérieure à la moyenne nationale de 135 gr/repas (étude ADEME « Etat des lieux des masses de gaspillages alimentaires et de sa gestion aux différentes étapes de la chaîne alimentaire » - 2016), et de 120 gr/repas pour l’opération « 1000écoles et collèges contre le gaspillage alimentaire – Ademe.

Dans les 6 lycées, les principaux résultats sont les suivants :

Moyenne du gaspillage alimentaire par repas : 165 grammes / repas (convive)

Moyenne du coût du gaspillage par repas : 0,42 euros / repas

Moyenne du coût du gaspillage extrapolé à l’année : 23 556 euros / an (123 repas)

Composante la plus gaspillée : ce sont les féculents (entre 25 et 35 % du gaspillage total) pour 5 lycées sur 6 (pour ce 6eme lycée, dont le gaspillage est très faible, le pain est la composante la plus gaspillée à 50 %)

A noter que la moyenne du gaspillage sur les 6 lycées pilotes est de 165 grammes/repas, ce qui est inférieur à la moyenne des collèges pilotes, mais supérieur à la moyenne nationale de 150 gr/repas pour les lycées (étude ADEME « Etat des lieux des masses de gaspillages alimentaires et de sa gestion aux différentes étapes de la chaîne alimentaire » - 2016).

Le coût moyen du gaspillage par repas, estimé à 0,42 euros, est bien supérieur au coût moyen national de 0,27 euros en restauration collective (étude ADEME « Etat des lieux des masses de gaspillages alimentaires et de sa gestion aux différentes étapes de la chaîne alimentaire » - 2016).

Résultats qualitatifs :

Retours des élèves concernant la restauration de leur établissement.

Lors de la semaine de réalisation des pesées, un questionnaire d’enquête a été distribué aux élèves pendant leur repas. Ci-dessous des exemples de résultats :

  • Pour les collégiens (résultats pour du collège ayant le gaspillage le plus important) : ce qu’ils aiment à la cantine c’est, à 67% « retrouver les copain·ines », et ensuite à 55% « manger » ; par ailleurs le goût qui serait la cause du gaspillage pour 68% des réponses.
  • Pour les lycéens (résultats de 2 lycées différents) : les plats ne sont pas appétissants (présentation), les assiettes sont trop remplies, le temps pour manger est trop court, le temps d’attente en entrée du self est trop long, le réfectoire est agréable et peu bruyant (pour les 2 lycées)

Eléments de réflexion issus des ateliers d’échange avec les personnels de cuisine.

  • Il y a une nécessité de faire un travail de sensibilisation et d’éducation auprès des élèves afin de les responsabiliser.
  • Le gaspillage représente une injustice sociale : on gaspille ce que d’autres pourraient manger.
  • Il y a une surproduction d’aliments.
  • Le gaspillage alimentaire représente un coût important pour l’établissement.
  • Le gaspillage alimentaire est responsable d’un gaspillage des ressources naturelles (surfaces agricoles, eau, intrants…).

Actions mises en œuvre dans les établissements pilotes suite aux diagnostics du gaspillage alimentaire :

  • Meilleure information sur les effectifs pour anticiper la production : 1 établissement
  • Réduction des quantités produites en fin de semaine : 3 établissements
  • Amélioration de la qualité des aliments avec une réduction des quantités (notamment le pain) : 5 établissements
  • Adaptation des quantités servies (petite faim/grande faim, adaptation à l’appétit, réduction des quantités servies) : 4 établissements
  • Plateau d’échange pour les aliments non « frais » (fruits, biscuits, fromages…) : 2 établissements
  • Affichage sur la qualité des aliments et/ou les actions de lutte contre le gaspillage : 2 établissements

Appréciation de la méthode

  • Les chefs ont pour la plupart apprécié d’être « assistés » pour réaliser ces campagnes de pesées au cours desquelles beaucoup d’informations devaient être collectées, ce qui a nécessité la participation de plusieurs personnes (minimum 7 personnes). A part l’un d’entre eux, ils ne pensaient pas possible de les conduire en autonomie. La méthode a été simplifiée en prévision des campagnes « aval » (qui n’ont malheureusement pas eu lieu sauf pour 1 collège).
  • Les personnels de cuisine ont apprécié les ateliers de réflexion, au cours desquels ils ont eu l’occasion de s’exprimer sur le rôle de la restauration au sein de l’établissement, et sur leurs pratiques. Ils ont été globalement constructifs dans les propositions d’actions à mettre en place.
  • Les élèves apprécient particulièrement de contribuer à la campagne de pesées (plutôt les collégien·nes).

Mise en oeuvre

Description de l'action :

La méthode suivante a été déroulée dans les 8 établissements pilotes sélectionnés à la suite de l’enquête réalisée en amont du projet :

  • Une campagne de pesée des restes alimentaires sur une semaine (4 ou 5 jour selon le fonctionnement de l’établissement), selon le protocole établi pour le projet, inspiré d’une méthode très détaillée conçue par la direction des lycées de la Région (cf Guide Prévention et gestion des déchets, lutte contre le gaspillage alimentaire dans les collèges et les lycées en région Provence-Alpes-Côte d’Azur »).
  • Une enquête convives conduite lors d’un repas dans la semaine, avec un questionnaire adapté aux collégiens et aux lycéens.
  • Un atelier de réflexion avec les équipes de restauration, et selon les cas, des personnes de la direction et gestionnaires, des surveillant·es.

Campagne de pesée

La méthode appliquée comportait les étapes suivantes :

  • Préparation en amont avec le chef de cuisine pour prévoir le déroulement et le matériel nécessaire pour organiser la ligne de tri par composante (tables, bacs gastronomes, balance, gants…). Le·la référent·e du projet pour l’établissement se chargeait de rendre disponible le groupe d’élèves impliqués dans le projet.
  • Réalisation de la campagne de pesées, en cuisine et en salle, avec un appui de Geres ou Gesper le premier jour pour l’installation du dispositif. Une association d’éducation à l’environnement partenaire du projet assistait l’équipe cuisine pour les pesées en cuisine, aussi accompagnée dans les lycées par 1 conseiller culinaire certains jours de la semaine. En salle, la ligne de tri était supervisée par l’association, accompagnée de plusieurs élèves et parfois des enseignants.
  • Ont été pesés : tous les plats préparés et aliments en amont du service, les restes d’assiettes par composantes (entrées, plat 1, plat 2, légumes, céréales, produits laitiers, fruits, desserts autres, pains) ainsi que les inévitables (os, peau d’agrumes…) et les autres déchets (serviettes, emballages…), et enfin les restes de préparation non servis, jetés ou conservés. De plus, des assiettes témoins étaient aussi pesées pour connaitre la quantité moyenne servie par assiette.
  • Lors d’un repas de la semaine de pesée, le questionnaire « convives » était proposé aux élèves, et récupéré par le groupe d’élèves « projet ».

Après les semaines de pesées, des entretiens avec chaque association relai ont été réalisé par le Geres afin d’avoir des retours d’expérience.

Atelier de réflexion – Co-conception d’actions de lutte contre le gaspillage alimentaire

Cette réunion de 2 heures commençait par des échanges sur les représentations et les opinions de chacun sur le gaspillage alimentaire. Ensuite, les résultats chiffrés de la campagne de pesée étaient présentés, permettant une analyse jour par jour, par composante, par quantité produite, et par quantité moyenne servie à l’assiette.

Enfin, les échanges portaient sur les actions déjà réalisées pour réduire le gaspillage, et les actions possibles à mettre en place qui seraient proposées à la direction dans le cadre du plan d’action global de l’établissement concernant les déchets, conçu avec l’accompagnement de Geres et Gesper.

Planning :

Les 8 campagnes de pesées se sont déroulées entre novembre 2018 et mai 2019. Les 8 ateliers de réflexion ont été réalisés entre mars et octobre 2019.

Moyens humains :

Pour chaque campagne de pesée, entre 7 et 9 personnes ont été mobilisées :

  • 1 personne Geres/Gesper (1er jour de la campagne de pesée + atelier)
  • 2 personnes de l’association partenaire (structure-relai),
  • 5 élèves en moyenne,
  • 1 conseiller culinaire (plusieurs jours dans la semaine)
Moyens financiers :

Environ 40 000 euros (conception des méthodes, coordination avec les établissements et les partenaires, programmation, réalisation des campagnes et des méthodes, saisie et analyse des données, capitalisation)

Moyens techniques :
  • Matériels de pesée fournis par les établissements pilotes : balances, poubelles et sacs, tables, gastronomes
  • Documents fournis par le projet : étiquettes pour les bacs de tri, affichettes de consignes pour le tri sur le plateau, fiches de saisie des pesées, tableur de saisie des données
Partenaires moblisés :
  • Partenaires financiers : ADEME, Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Département des Bouches-du-Rhône
  • Partenaires techniques : Gesper
  • Structures relais d’éducation à l’environnement : CPIE 04, CPIE 84, Naturoscope, Mer Nature, Solutions Compost, Accueil et Rencontres, A Fleur de Pierre, Compost’n Co

valorisation de cette expérience

Facteurs de réussite :

Il est nécessaire de bien préparer la campagne de pesée en amont avec le chef (et mieux les équipes) et la direction pour impliquer les élèves. Cela permet aussi de récupérer les menus et les fiches de sortie qui servent pour le calcul des coûts du gaspillage.

Il est important d’avoir suffisamment de personnes (selon la taille de la restauration entre 3 et 6 personnes) pour diriger les convives au niveau de la ligne de tri et leur expliquer les consignes.

Idéalement une communication est réalisée en amont dans les classes, les espaces communs.

Difficultés rencontrées :
  • Difficultés « techniques » lors de la réalisation des pesées

Les entretiens « retours d’expérience » faits avec les associations-relais ont permis de connaître les difficultés rencontrées lors de la réalisation des pesées.

Le premier jour est souvent vécu comme « intense » par les participants car beaucoup de choses sont à mettre en place. Souvent, les élèves ne sont pas avertis de la campagne de pesée et ne sont pas au courant des règles à suivre. Par exemple certains mélangent tous leurs restes alimentaires dans leur assiette. Cette difficulté est vite surmontée par la suite, car les élèves comprennent comment organiser leur assiette à la fin du repas, et le passage à la table de tri devient de plus en plus fluide.

L’autre difficulté rencontrée est la saisie des informations sur les fiche de pesées, car beaucoup de résultats sont à noter le jour de la pesée, et rapidement car le temps est limité, et il faut être précis ! Ensuite, les données sont reportées dans le tableur. Pour réduire ces difficultés, la présentation des fiches de pesées et des tableaux informatiques a été homogénéisée pour faciliter la saisie.

  • Difficultés liées au Covid

La crise sanitaire liée à la Covid-19 en plein milieu du projet a été la difficulté majeure. Les campagnes de pesée « aval » programmées en avril-mai 2020 ont été reportées à la rentrée scolaire 2020, puis ont dû être annulées.

Sur un seul des deux collèges, la deuxième campagne de pesée a pu être organisée. Malheureusement, les résultats ne sont pas comparables avec ceux de la première campagne en raison des nombreux biais : menu différent, année scolaire différente donc élèves différents, protocole sanitaire imposant des conditions de repas exceptionnelles…

Recommandations éventuelles :

La méthode globale de diagnostic du gaspillage alimentaire testée par les établissements pilotes dans ce projet permet d’obtenir des données quantitatives et qualitatives et ainsi analyser finement les causes du gaspillage. Pour la conduire correctement, il est indispensable d’y accorder des moyens : personnes (internes ou externes) et disponibilités. L’analyse par une personne externe ayant de l’expérience, permet de poser un regard objectif et d’oser soulever certaines problématiques internes.