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Etude biodéchets - interfilière tourisme durable

UNAT NA

67 rue de Maurian
33290 Blanquefort
Karine Berdoulat
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contexte

La mission Interfilière de tourisme durable représente l’aboutissement de plusieurs années de collaboration entre l’UNAT Nouvelle-Aquitaine, l’UMIHNA et la NAHPA. Ces trois têtes de réseaux ont mis leurs efforts en commun pour rédiger un plan d’actions de tourisme durable à destination des professionnels de l'hébergement touristique et de la restauration, avec le soutien de l’ADEME et la Région Nouvelle-Aquitaine. L'étude biodéchets s'inscrit dans le cadre d'une opération collective portant sur la gestion et la valorisation des matières organiques générées par les établissements touristiques.

objectifs et résultats

Objectifs généraux :

L’objectif de cette étude de préfiguration était de réaliser un état des lieux des pratiques, de quantifier les gisements, d’identifier les solutions actuelles de gestion des biodéchets présentes sur les territoires de la Basse Vallée de la Vézère ainsi que les Îles et le littoral charentais, leur degré d’utilisation par les professionnels du tourisme hébergeurs / restaurateurs, dans un contexte de changement majeur des obligations sur ce sujet. Au-delà des solutions et comportements actuels, l’étude visait à comprendre les attitudes, freins et motivations des professionnels du tourisme concernant le tri à la source des biodéchets, à identifier les besoins et les solutions de valorisation potentielles permettant de répondre aux nouveaux enjeux et obligations, afin de définir un plan d’action pour ces deux territoires-tests, et plus globalement à terme pour l’ensemble des territoires de Nouvelle-Aquitaine. Les solutions préconisées ont un fort ancrage local et oriente vers des formations professionnelles.

Objectifs quantitatifs :

La méthodologie est constituée de 4 volets : 1) Un travail de documentation et cartographie permettant de recenser les initiatives et solutions existantes sur les deux territoires, de mieux appréhender la problématique biodéchets selon les spécificités des territoires et de constituer une première liste des structures à interroger dans le cadre de l’étude qualitative. 2) Une étude quantitative réalisée auprès des professionnels du tourisme adhérant à l’une des trois structures de l’Interfilière via un questionnaire en ligne (objectif : 5 % de taux de réponse). 3) Une étude qualitative réalisée sous la forme d’entretiens téléphoniques semi-directifs menés auprès des porteurs de solutions présents sur les territoires étudiés 4) Des recommandations pour faciliter la mise en œuvre de la gestion des biodéchets auprès des acteurs de l’interfilière.

Résultats quantitatifs :

La taille de l’échantillon est 71 répondants, représentant 6,6 % des professionnels concernés sur les deux territoires d’expérimentation. Il est important de prendre les résultats chiffrés comme une simple caractérisation de ces répondants. Ils ne sont pas extrapolables car non représentatifs des populations interviewées, en raison d’une implication probablement plus forte des répondants par rapport à la problématique des biodéchets.

 

Pratiques des membres de filières en matière de valorisation des biodéchets

  • La majorité des structures pratiquant le tri à la source des déchets de cuisine et de table trient moins de 50 kilos par jour. Parmi les répondants, les restaurants sont plus nombreux à trier des quantités plus importantes (supérieures à 50 kilos jour).
  • Lorsque les biodéchets font l’objet d’un tri, ils sont presque systématiquement traités par la structure en interne (compostage). Environ 30 % des restaurants confient leurs déchets de cuisine et de table à une structure extérieure et ce de manière plus importante dans les Iles et Littoral Charentais que dans la Vallée de la Vézère.
  • Lorsque le compostage est fait sur site, il s’agit dans la grande majorité de compostage en bac ou en composteur. Environ un tiers des restaurants et campings compostant sur site pratiquent le compostage en andains (tas à même le sol).
  • Un peu moins d’un répondant sur deux a été formé au compostage, ce dans les deux territoires pilote. On observe que les deux tiers des campings ayant répondu à l’enquête ont été formés, alors que moins de 10 % des restaurants répondants ont reçu une formation au compostage. Les répondants citent comme structure formatrice principalement les syndicats de traitement, leurs communautés de communes ou des associations.
  • Environ une structure sur deux produit des coquilles (ce de manière deux fois plus importante en Charente Maritime qu’en Dordogne). Les campings sont plus nombreux à avoir une solution spécifique (36 % contre 17 % des restaurants). Les autres solutions citées pour le traitement des coquilles sont le pavage ou la réfection des chemins et l’alimentation des animaux.
  • Environ 8 structures sur 10 produisent des huiles de fritures usagées. La proportion est un peu plus importante en Vallée de la Vézère que dans les Iles et Littoral Charentais. La plupart des hébergeurs restaurateurs qui produisent des coquilles ont une solution spécifique, et dans les ¾ des cas c’est alors une solution avec un prestataire extérieur, plus que le fait de les amener en déchetterie. La solution la plus répandue (environ les 2/3) est la collecte par un prestataire extérieur, en particulier en Charente Maritime avec notamment la présence de Roule Ma Frite. On note que 25 à 30 % des répondants amènent leurs huiles de fritures usagées en déchetterie.
  • Les centres de vacances et les campings ont quasiment tous des espaces végétalisés, alors que seuls 40 % des restaurants en sont pourvus. Les campings ont de manière logique des surfaces de pelouse importantes (plus de 15000 m2 et plus de 1km de périmètre de haie taillée), les centres de vacances ont des métriques plus petites (moins de 10000 m2 et 300 m de haies), les restaurants ayant des espaces verts beaucoup plus réduits.
  • Parmi les répondants, seuls les campings sont réellement équipés de broyeurs de végétaux et se servent du broyat pour le compostage (environ 40 %) ou pour le paillage.
  • La majorité des répondants utilise des poubelles de grande capacité (660 l ou plus pour plus de 8 campings et centres de vacances sur 10) et environ 1 restaurant sur 2.
  • La haute saison génère des volumes d’ordures ménagères 2,4 fois plus importants que la basse saison pour les centres de vacances et les campings, et 1,7 fois plus importants pour les restaurants. Autrement dit, la basse saison ne génère qu’un peu plus de 40 % des volumes de la haute saison pour les campings et centres de vacances et environ 60 % pour les restaurants.
  • Les campings génèrent des volumes d’ordures ménagères hebdomadaires beaucoup plus importants que les autres structures, 5900 litres pour les campings, soit 3 fois plus que les centres de vacances (environ 1900 litres) et près de 5 fois plus que les restaurants (un peu plus de 1200 litres en moyenne).
  • L’échantillon des Iles et Littoral Charentais collecte des quantités d’ordures ménagères beaucoup plus importante que ceux de la Basse Vallée de la Vézère (3 fois plus en haute saison en moyenne et 5 fois plus en basse saison).
  • Un répondant sur deux environ connait la loi AGEC, quel que soit le type de structure (centre de vacances, restaurant, camping). On note une meilleure connaissance déclarée de la loi dans les Iles et Littoral Charentais. Les campings déclarent avoir commencé à s’adapter à la loi de manière un peu plus importante que les autres structures du tourisme.
  • Le compostage sur site apparait comme la solution la plus adaptée pour les structures ayant de l’espace (plus de 80 % des centres de vacances et environ 75 % des campings). Les autres solutions perçues comme adaptées sont également des solutions de compostage (collectif, ou par un prestataire). La méthanisation n’est évoquée que par certains restaurants et ce dans une faible proportion (moins de 10 %).

Attitudes concernant le tri à la source des biodéchets

  • Un premier point très positif, l’ensemble des hébergeurs restaurateurs trouve normal de rendre obligatoire le tri des biodéchets à la source (attitude la plus marquée dans l’étude avec près de 90 % d’accord) même si on note une position un peu moins favorable chez les campings.
  • Globalement 2 professionnels du tourisme sur 3 parmi les répondants considèrent que la mise en place de ce tri n’est pas compliquée.
  • Le principal frein pour le tri à la source des biodéchets est clairement le manque d’espace (3 restaurants sur 4 et 6 campings sur 10).
  • En dehors du problème d’espace, les autres freins à la mise en place du tri à la source des biodéchets sont par ordre d’importance :
    • La crainte de ne pas avoir le matériel nécessaire (seules 3 à 4 structures sur 10 pensent en disposer),
    • La crainte que cela prenne beaucoup de temps (environ une structure sur deux),
    • La peur que cela attire des nuisibles (une structure sur deux),
    • La peur de mauvaises odeurs (environ une structure sur deux),
    • Le frein lié au coût que représente ce tri (environ 4 structures sur 10),
    • La crainte de problèmes sanitaires est évoquée par moins d’une structure sur 3.
  • On observe globalement des craintes et freins moins marqués dans les centres de vacances que dans les campings et restaurants.

Attitudes concernant le compostage sur site

  • Globalement, les centres de vacances et à un degré légèrement moindre les campings, sont très favorables au compostage sur site, ce point étant évidemment lié à l’espace disponible, alors que les restaurants ne sont que 1 sur 3 à le considérer comme une possibilité.
  • A noter que même chez les centres de vacances et les campings, globalement favorables au compostage sur site, il reste certains freins (notamment concernant les odeurs, les nuisibles et la complexité).
  • En dehors du problème d’espace, les restaurants sont également ceux à avoir le plus de freins par rapport au compostage sur site (peur des nuisibles, de la complexité, pas d’utilité du compost produit).
  • Plus de 4 restaurateurs sur 10 et un camping sur 3 sont ouverts au compostage partagé.
  • Les professionnels du tourisme de la vallée de la Vézère sont un peu plus favorables au compostage sur site que ceux des Iles et Littoral Charentais.
Résultats qualitatifs :

Îles et du littoral Charentais

Il existe de nombreuses solutions de valorisation des biodéchets sur le territoire des îles et du littoral Charentais. Cependant, il y a une grande disparité entre les 7 EPCI considérés, et ce, à tous les niveaux ; répartition des compétences collecte et traitement entre les EPCI et les syndicats de déchets, accès aux déchèteries pour les professionnels, solutions proposées par les EPCI ou syndicats de déchets, types de tarification mise en place, acteurs privés et associatifs présents.

Parmi les acteurs privés et associatifs, Compost’Âge et Terre d’éveils sont deux associations proposant des services d’accompagnement au compostage sur site. L'éco réseau des entreprises Biotop collecte les déchets recyclables ou réutilisables des entreprises. L’association Loopost, dans la région de la Rochelle, propose un service de collecte des biodéchets à vélo auprès des professionnels et des particuliers pour le composter en anaérobie (type Bokashi). L’association Circu’LR (AlterGaia), également à La Rochelle, souhaite proposer des solutions aux professionnels tels que l’accompagnement au compostage sur site ou la collecte des biodéchets.

Deux acteurs offrent des solutions de valorisation intéressantes pour les déchets plus spécifiques que représentent les huiles de fritures usagées (Roule Ma Frite 17) et les COQ (OVIVE). Ces acteurs ont un impact fort et positif autour de leur zone d’implantation et sont également sollicités par les EPCI voisins. L’étendue de leurs services est toutefois limitée par des contraintes logistiques.

 

Basse vallée de la Vézère

Le territoire de la basse vallée de la Vézère diffère beaucoup des îles et du littoral Charentais d’un point de vue organisation et politiques déchets. Les syndicats de déchets prennent en charge l’ensemble des compétences (collecte et traitement) et ne sont pas répartis géographiquement par EPCI. Ceci génère une certaine incompréhension et un manque de connaissance du côté du personnel des EPCI et de certains acteurs associatifs. Toutefois, l’ensemble du territoire tend vers une harmonisation de la tarification en instaurant une tarification incitative à l’échelle de la Dordogne. Cette unification devra apporter une plus grande cohérence territoriale.

Du côté du secteur privé et associatif, on compte sur le territoire le centre de formation et d’expérimentation Au Ras Du Sol, une association spécialisée dans les problématiques de compostage individuel et collectif. Pour sa part, Compost In Situ Sud Ouest (CISSO) est un bureau d’études spécialisé dans la mise en place de solution de gestion de proximité des biodéchets par compostage. L’association Compost’ère propose une collecte en porte à porte auprès de ces professionnels pour ensuite valoriser les biodéchets en compostage à Sarlat. L’association « Assez d’Essais », veut étudier, accompagner, et conseiller tout projet individuel ou collectif de réduction des déchets, de compostage partagé ou en établissement et d'assainissement écologique

D’un point de vue techniques de valorisation, il n’y a pas de solutions spécifiques pour les coquilles et les huiles de fritures usagées. Le gisement de coquilles est toutefois moindre de par la situation géographique de la Basse Vallée de la Vézère comparativement au Littoral charentais. Néanmoins, la production d’huiles de fritures usagées y est légèrement plus importante.

 

Conclusion

En conclusion, l’étude rappelle les freins et facteurs favorisant une démarche interfilière de valorisation des matières organiques sur les territoires d’expérimentation.

D’un point de vu général, l’inexistence de services dédiés aux professionnels du tourisme est mise en exergue, de même que la problématique du transport des matières vers les lieux de valorisation. Ces deux points doivent être considérés dans la stratégie à développer. Du côté des professionnels du tourisme, plusieurs freins ressortent : la saisonnalité (perte de savoir(-faire) et surdimensionnement), le manque de place, les frais importants, la méconnaissance, les réticences. La montée en compétence via la formation et la diffusion d’information vers les professionnels pourrait permettre de lever ces freins. Du côté des porteurs de solutions, trois obstacles sont clairement identifiés : les difficultés financières (surtout pour les petites structures), les freins fonciers (pour collecte et valorisation en milieu urbain) et le manque de communication entre les EPCI et syndicats de déchets. Rassembler les acteurs pour établir une stratégie commune pourrait permettre de surmonter ces obstacles.

Par ailleurs, trois facteurs principaux semblent pouvoir favoriser la mise en place d’une stratégie interfilière de gestion des matières organiques. Tout d’abord, la tarification incitative, qui impacte aujourd’hui diversement les différents professionnels sont impactés diversement, peut servir de levier à l’action, moyennant un accompagnement nécessaire (exemple année pédagogique SMD3). Ensuite, les retours d’expérience sont plébiscités des professionnels qui accordent une haute importance au vécu de leurs pairs (ex : entre EPCI, surtout pour changement de tarification). Enfin, l’implication des réseaux et l’aide des collectifs sont essentielles pour rassembler les professionnels et trouver des solutions spécifiques à leurs besoins (ex : AOHPA).

Mise en oeuvre

Description de l'action :

Basés sur les résultats de l’étude, les préconisations avancées relèvent de trois niveaux : générales, orientés vers les professionnels du tourisme, vers les porteurs de solutions.

Recommandations générales de l’étude biodéchets

  • Diversifier les solutions (ex : compost sur site, collecte, méthanisation)
  • Éviter le transport des biodéchets
  • Mutualiser les efforts
  • Essaimer les bonnes solutions
  • Faire des retours d’expériences entre professionnels
  • Accompagner individuellement
  • Inclure les touristes 
  • Lutter contre le gaspillage alimentaire

Accompagner directement les professionnels

  • Les informer davantage sur le contexte législatif et sur leurs responsabilités en organisant des réunions d’information 
  • Les informer des solutions de valorisation existantes en réalisant de la documentation ou en partageant celle déjà faite par certains acteurs
  • Les informer des acteurs porteurs de solutions présents sur leurs territoires  
  • Financer des broyeurs de végétaux qui pourront leur être mis à disposition gratuitement

Accompagner les acteurs porteurs de solutions

  • Aider ceux proposant une collecte et une valorisation locale à trouver du foncier pour composter (un camping qui aurait de la place par exemple) 
  • Faire le lien entre les porteurs de solution et leurs adhérents afin de garantir une demande de service d’un grand nombre de professionnels permettant d’assurer la rentabilité du service de collecte et/ou valorisation.

Enfin, il est évoqué la pertinence pour l’interfilière de travailler avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), parmi lesquelles des structures de l’Insertion par l’Activité économique (IAE) peuvent être porteurs de solutions potentielles dans les territoires (ex : Réseau INAÉ en Nouvelle-Aquitaine). 

Planning :

A court terme, nous souhaitons rassembler les acteurs identifiés dans l’étude pour co-construire une stratégie répondant aux besoins identifiés par les filières en termes de gestion des biodéchets sur les territoires-tests. A moyen terme, nous allons déployer cette stratégie multiacteurs sur ces deux territoires, sous réserve de financement. A long terme, si la stratégie s’avère efficace et fédératrice, nous élargiront le périmètre à l’ensemble de la Nouvelle-Aquitaine, tout en assurant une adaptation locale.

Moyens humains :

Etude déléguée à un partenaire externe : Les Détritivore et Energie & Castors

Suivi de l'étude par la chargée de misison interfilière

Moyens financiers :

Budget de la mission interfilière combiné à une aide de l'ADEME

Moyens techniques :

Questionnaire en ligne

Entretiens individuels

Recherche documentaire

Partenaires moblisés :

Nouvelle-Aquitaine : ADEME, Méthanaction

Île et littoral charentais : EPCI (CdC Île d’Oléron, CdC Île de Ré, CdA La Rochelle, CdA Rochefort Océan, CdC Bassin de Marennes, CdA Royan Atlantique, CdC Aunis Atlantique), syndicat mixte Cyclad, Syndicat Intercommunautaire du Littoral (SIL), Compost’Âge, Terre d’éveils, Circu’LR, LooPost, Retour o sol, Réseau Biotop, Roule ma frite, Ovive.

Basse Vallée de la Vézère : EPCI (CdC Vallée de l’Homme, CdC Sarlat-Périgord Noir, CdC Vallée Dordogne Forêt Bessède, CdC Terrassonnais en Périgord Noir Thenon Hautefort), SMD3, SICTOM du Périgord Noir, SMCTOM de Thiviers, SIRTOM de Brive, Au raz du sol, CISSO, Assez d’essais, Compost’ère.

valorisation de cette expérience

Facteurs de réussite :

Collaboration multiacteurs, connaissance du territoire, compétences avérées par le prestataire en matière de gestion et traitement des biodéchets.

Difficultés rencontrées :

Mobilisation des professionnels à densifier, méconnaissance et idées préconcues à lever.

Recommandations éventuelles :

Provisionner pour la réalisation effective d’une stratégie de gestion des biodéchets avec les acteurs. La suite à donner à cette étude demande d’agir rapidement, puisque les acteurs concernés ont été mobilisés dans cette étude et leur implication démontre une ouverture à aller de l’avant.