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Projet Bioplastox : Evaluation de l’écotoxicité et de la dégradation d’emballages plastiques biodégradables compostés

RITTMO Agroenvironnement

37 rue de Herrlisheim
68000 COLMAR
Agroenvironnement Rittmo
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contexte

 

Ce projet s'inscrit dans un contexte innovant qui voit apparaître sur le marché français de nombreux « plastiques biodégradables ». Parmi ces matériaux, certains sont destinés à être compostés et donc à retourner au sol. Cette étude s'est ainsi focalisée sur deux types d'emballages : un sac de collecte de biodéchets en amidon de maïs et un film en PLA. Ces deux emballages ont été étudiés au cours du processus de compostage, celui étant mis en œuvre dans différentes conditions (plateforme industrielle, pilotes de 100 litres et de 6 litres). L'objectif principal de cette étude était d'évaluer les risques pour l'environnement de ces composts.

 

1.1 Enjeux économiques 

Quoique la demande sociétale de « matériaux biodégradables » vienne aujourd’hui en second plan au profit d’une demande de « matériaux issus de ressources renouvelables », les « biodégradables » sont aujourd’hui une catégorie à part entière de matériaux polymères, en plein développement. Pour illustrer cela, quelques chiffres : en 2012, la production européenne de plastique était de 57 millions de tonnes et en 2013 la production de plastiques biosourcés (non biodégradables) était de 1,6 millions de tonnes (soit 2,8%) et pour les plastiques biodégradables de 0,591 millions de tonnes (soit 1% de la production de plastique). La capacité de production des plastiques biodégradables est estimée (rapport Nova Institute, 2015) à 1,3 millions de tonnes en 2019 et de plus de 6,5 millions de tonnes pour les bioplastiques biosourcés non biodégradables. Même si les plastiques biodégradables semblent ralentir leur vitesse de croissance, ils représentent des quantités importantes de matériaux. D’autre part, les évolutions réglementaires sur les usages des matériaux en plastiques (cf 1.4) ont aussi des impacts sur cette prospective de production. Il est donc nécessaire de vérifier l'innocuité de ces produits qui sont en pleine expansion sur le marché. 

 

1.2 Enjeux environnementaux 

L’écotoxicité des matériaux polymères organiques de synthèse peut résulter de l’impact direct de ces matériaux sur les organismes vivants dans les écosystèmes où ces matériaux sont introduits ou de leur impact indirect via les produits résultant de leur dégradation partielle. En effet, les polymères organiques de synthèse peuvent se dégrader en monomères ou oligomères ayant une écotoxicité propre. En outre, ils peuvent libérer des éléments tels que des antioxydants ou des colorants ou autres composants, introduits dans le polymère afin de lui conférer une propriété particulière. Ces éléments peuvent également présenter une certaine écotoxicité lorsqu’ils sont libérés. De ce fait, dans le cadre d’une étude sur l’impact des matériaux polymères organiques de synthèse dits "biodégradables" sur l’environnement et particulièrement les sols agricoles, il convient non seulement de considérer les polymères eux-mêmes, mais également les sous-produits issu de leur dégradation. Toutefois, l'approche analytique suppose que les molécules recherchées sont identifiables et quantifiables, ce qui peut s'avérer particulièrement difficile. Par ailleurs, le contenu chimique extractible ne donne aucune indication sur les phénomènes de synergie et d'antagonisme entre polluants, sur les quantités déjà stockées dans les organismes vivants et potentiellement libérables dans le milieu ou accumulables dans la chaîne alimentaire. Cette approche analytique ne renseigne donc pas sur la toxicité du milieu analysé vis-à-vis des organismes vivants que seules les méthodes biologiques sont capables d'évaluer.

 

1.3 Contexte scientifique et industriel

Une étude bibliographique réalisée par RITTMO en 2010-2011 a montré que très peu de publications scientifiques portaient sur l'évaluation écotoxicologique de plastiques biodégradables, une dizaine de publications seulement ayant été identifié. Le compost étant un matériau organique très complexe dans lequel il est difficile de faire des extractions et donc de suivre la dégradation des matériaux, des auteurs ont réalisé leurs études dans d'autres milieux tels que la pouzzolane (Grima, 2002) ou la vermiculite (Degli-Innocenti et al, 2001). Il s’avère que certains résultats se sont alors révélés inexploitables suite à des problèmes de croissance des organismes biologiques étudiés. D'autre part, une étude (Jayasekara et al 2003) a mis en évidence une très forte perturbation de la reproduction chez une espèce de vers de terre au contact d’un mélange de compost et d’un polyester à base d'amidon dégradé.

Il s'agit donc de compléter les informations de la communauté scientifique sur l'impact de ces matériaux sur l'environnement en réalisant des essais d'écotoxicité avec plusieurs bioindicateurs de différents niveaux trophiques. 

 

1.4 Contexte réglementaire 

Les emballages biodégradables compostés sont concernés par différentes réglementations.

En premier lieu, concernant le matériau lui-même, la Directive 94/62/CE relative aux emballages et déchets d’emballage établit un certain nombre d’exigences essentielles auxquelles l’emballage doit répondre. Une norme européenne (EN 13432) a ainsi été créée afin de traiter l’une de ces exigences : la valorisation par compostage et biodégradation sur plateforme industrielle de compostage.

Concernant le produit final dans lequel l’emballage va se trouver dégradé, le compost, doit aussi satisfaire à une réglementation. Il existe aujourd’hui deux normes (NFU44-051 et NFU44-095) dans lesquelles il existe, en plus de critères de qualité agronomique, des seuils limites en inertes et en impuretés (films et autres plastiques dont la taille est supérieure à 5mm).

Enfin, l’Europe incite les collectivités à réaliser des collectes sélectives de biodéchets pour une valorisation. Ces collectes se font principalement à l’aide de sac en plastique biodégradable.

La France a voté une Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (17/08/2015) qui spécifiait, entre autre, l’interdiction des sacs plastique de caisse à usage unique à compter du 1er janvier 2016 (Le décret de mise en application concernant les sacs de caisse devrait finalement paraître au 1er juillet 2016). Cette interdiction devrait être élargie aux sacs « fruits et légumes » (emballage primaire) au 1er janvier 2017 mais avec l’autorisation d’utiliser des sacs compostables en compostage domestique.

Le nombre de sacs en plastique biodégradables devrait donc augmenter sur le territoire français dans les prochaines années.

objectifs et résultats

Objectifs généraux :

Objectifs du projet et présentation des équipes de recherche

Ce projet propose d’évaluer les dangers pour l’environnement posés par emballages plastiques dits « biodégradables » après leur compostage avec des déchets verts. L'évolution des matériaux, l'innocuité du compost et son utilisation en culture maraichère ont été étudiés. D'autre part, leur biodégradabilité et leur désintégration ont été mesurées selon les méthodes préconisées par la norme NF EN 13432.

 

Deux Centres de Ressources Technologiques alsaciens ont associés leurs compétences afin de mener à bien cette recherche : le CRITT Matériaux Alsace et le CRITT Rittmo Agroenvironnement.

L’association de droit alsacien RITTMO Agroenvironnement, créée en 2001, est un centre de recherche appliquée, d’expertises et de prestations techniques dans les domaines de la fertilisation organique et de l’agroenvironnement. RITTMO travaille depuis 2009 sur la thématique des plastiques biodégradables apportés au sol et étudie leur innocuité pour la vie du sol. Un premier travail a été réalisé pour le Ministère en charge de l'Agriculture sur les films de paillage. Cette étude comportait une première partie bibliographique afin de faire le point sur les connaissances scientifiques sur l'innocuité de ce type de matériaux et une seconde partie expérimentale s'est attachée à évaluer l'impact d'apports répétés de films de paillage sur l'activité nitrifiante de sols agricoles.

 

Le CRITT Matériaux Alsace est un centre de compétences spécialisé dans les matériaux, qui a pour vocation d'aider le développement des entreprises. Il travaille depuis plus de 25 ans dans le domaine des matériaux (verre, polymère, céramique).

 

Le déroulement du processus de compostage, l’état de dégradation des plastiques et les résidus de celle-ci (tâche réalisée par le CRITT Matériaux Alsace) et l’écotoxicité des composts produits (tâche réalisée par le CRITT RITTMO agroenvironnement) ont été évalués.

 

a. Le CRITT Matériaux Alsace a réalisé une étude bibliographique sur la dégradation des matériaux plastiques en s’intéressant en particulier aux produits de dégradation obtenus (cette étude est présentée en annexe du rapport final). En fonction des familles de polymères considérées, certains produits de dégradation ont été ciblés selon leur caractère toxique. Selon les orientations dégagées par cette synthèse bibliographique, le CRITT Matériaux Alsace a analysé, durant les phases de compostage (en pilote et sur la plateforme industrielle), les résidus de la dégradation et a caractérisé les plastiques en cours de dégradation.

 

b. En parallèle, afin de pouvoir évaluer une partie du risque environnemental lié à l'utilisation en agriculture de compost contenant ces emballages dits "biodégradables", RITTMO agroenvironnement a mis en œuvre le compostage de ces emballages dans des procédés de différentes tailles et a évalué l'innocuité des produits obtenus.

 

 

Résultats quantitatifs :

Le suivi des molécules de dégradation a été réalisé dans les condensats des pilotes de 6 litres et dans les composts issus des deux autres procédés étudiés. L'analyse des condensats n'a pas mis en évidence de différence majeure du fait de la présence des sacs de collecte. L'analyse des composts issus de la plateforme industrielle et des pilotes de 100 litres indique que la biodégradation des polymères a pu être constatée et s’est produite à des stades différents. En effet, des composés tels que l’amidon présent dans les sacs de collecte ont pu être digéré lors du compostage. En revanche, d’autres composés, notamment ceux appartenant à la famille des polyesters, semblent se décomposer à des vitesses différentes donnant lieu à la présence de composés organiques de nature chimique variée. Certains d’entre eux pouvant présenter un potentiel toxique.

D'autre part, la comparaison des teneurs en métaux dans les sacs de collecte et le film en PLA avant et après le compostage dans les pilotes de 100 litres montre des augmentations importantes pour certains d'entre eux (chrome, cuivre, nickel et zinc). Il s'agit sans doute de métaux présents dans les déchets verts et qui sont adsorbés à la surface des matériaux pendant le compostage. Il est à noter que dans tous les cas, les matériaux présentent des teneurs en métaux en dessous des seuils de la norme EN 13432.

 

Le suivi du procédé de compostage (température et flore bactérienne) ne semble pas être impacté par l'apport des matériaux.

 

L'évaluation de l'écotoxicité des composts sur les bioindicateurs terrestres (plantes, vers de terre, champignons et bactéries nitrifiantes) montre des effets biologiques faibles qui ne peuvent pas être considérés comme écotoxiques vis-à-vis des organismes exposés. De plus, aucun effet génotoxique n'a été mesuré, quel que soit l'échantillon testé.

 

En culture maraîchère, l'apport des composts industriels réalisés en présence des sacs de collecte n'a pas d'effet négatif sur la croissance des carottes et des haricots verts cultivé, quel que soit le paramètre étudié (production de biomasse de différentes parties des plantes et teneurs en ETM dans les parties consommées). L'unique effet significatif observé a été la diminution du nombre de gousses de haricots produites après 56 jours de culture en présence du compost contenant les sacs de collecte.

 

En conclusion, dans les conditions expérimentales de cette étude, la présence des emballages étudiés n'a pas d'effet marquant sur le procédé de compostage et l'écotoxicité des composts obtenus par les différents procédés mis en œuvre.

 

D'autre part, l'un des objectifs de cette étude était la comparaison des résultats obtenus avec la norme EN 13432. Ainsi, nous avons montré que, malgré le fait que ces deux produits soient bien considérés comme biodégradables en compostage industriel d'après cette norme (minéralisation quasi totale du carbone et désintégration), les matériaux sont encore tout à fait identifiables après un compostage industriel dans des conditions réelles de température et d'exposition des matériaux.

Les essais mis en œuvre ne montrent pas d'effet écotoxique des différents composts contenant les matériaux étudiés. Cependant, l'analyse de ces composts a montré la présence de substance et de fonctions chimiques pouvant présenter des effets toxiques. Dans la norme, seul un essai de phytotoxicité est demandé et la méthode proposée recommande la ligne directrice OCDE 208 qui a été élaborée pour des substances chimiques. Il serait donc intéressant de faire référence à des méthodes normalisées ISO et/ou EN, de proposer des essais d'écotoxicité exposant des organismes d'autres niveaux trophiques et de mesurer d'autres effets chroniques. Des essais complémentaires seraient donc nécessaires afin de proposer une sélection pertinente de bioessais d'écotoxicité.

 

 

Une présentation synthétique des résultats a été faite sur le salon POLLLUTEC Lyon en décembre 2014. Elle est téléchargeable sur le site internet de RITTMO.

 

Résultats qualitatifs :

D'autre part, l'un des objectifs de cette étude était la comparaison des résultats obtenus avec la norme EN 13432. Ainsi, nous avons montré que, malgré le fait que ces deux produits soient bien considérés comme biodégradables en compostage industriel d'après cette norme (minéralisation quasi totale du carbone et désintégration), les matériaux sont encore tout à fait identifiables après un compostage industriel dans des conditions réelles de température et d'exposition des matériaux.

Les essais mis en œuvre ne montrent pas d'effet écotoxique des différents composts contenant les matériaux étudiés. Cependant, l'analyse de ces composts a montré la présence de substance et de fonctions chimiques pouvant présenter des effets toxiques. Dans la norme, seul un essai de phytotoxicité est demandé et la méthode proposée recommande la ligne directrice OCDE 208 qui a été élaborée pour des substances chimiques. Il serait donc intéressant de faire référence à des méthodes normalisées ISO et/ou EN, de proposer des essais d'écotoxicité exposant des organismes d'autres niveaux trophiques et de mesurer d'autres effets chroniques. Des essais complémentaires seraient donc nécessaires afin de proposer une sélection pertinente de bioessais d'écotoxicité.

 

Mise en oeuvre

Planning :

Étude réalisée entre 2011 et 2014
 

Moyens humains :

De nombreux chercheurs, ingénieurs et techniciens ont été impliqués dans cette étude.

Moyens financiers :

Financements:

ADEME

RITTMO Agroenvironnement

CRITT Matériaux Alsace

EUROPE

Région Alsace

Moyens techniques :

L'étude a nécessité, en plus du matériel d'analyse, l'utilisation de pilotes de compostage à différentes échelles.

Partenaires moblisés :

CRITT Matériaux Alsace

CRITT RITTMO Agroenvironnement

valorisation de cette expérience

Difficultés rencontrées :

Aucune expérimentation n'avait été menée afin de suivre au sein d'un même essai de compostage la dégradation des matériaux plastiques et leur écotoxicité. De plus, cette étude a été menée dans des conditions proches des conditions réelles de compostage ce qui représente une très forte originalité par rapport à l'ensemble des résultats disponibles à ce jour.

Recommandations éventuelles :

Les résultats présentés ont été obtenus dans des conditions expérimentales précises. Ils ne peuvent donc pas être généralisés à toutes les situations de compostage ou à l'ensemble des matériaux biodégradables.